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19 juillet 2014

Matthieu adolescent : un bonobo comme les autres ?


Violette grandit et fait (enfin !) des siestes qui me permettent de prendre le temps de lire et d’écrire.
Pendant ce temps, Matthieu grandit aussi de manière spectaculaire. Ce sont d’abord ses pieds qui m’ont impressionnée, passant en quelques mois du 39 (ma pointure), au 43 (celle de son papa)…Puis un fin duvet (si, si, déjà !) s’est dessiné au bord de sa lèvre supérieure. Ça, ça m’a fait vraiment bizarre mais j’ai fait tout mon possible pour n’en rien laisser paraître. Et je ne parle même pas de sa taille ! Matthieu a toujours été très grand pour son âge, mais là, à 12 ans, il dépasse d’une tête au moins les trois quart de ses congénères. Il est presque aussi grand que moi.

Quant aux transformations plus intimes, je me contenterai de dire que Matthieu semble très bien les négocier, avec pudeur mais sans peurs. S’il pouvait éviter de hurler quand, en été, j’ose une robe, un débardeur ou, pire, un maillot de bain, par crainte d’hypothétiquement apercevoir quelque chose qui pourrait ressembler à un morceau de sein, je pourrais dire qu’il aborde la puberté et l’adolescence incroyablement bien pour un enfant (oups, un (pré)ado) autiste.
Nous avions essayé de préparer le terrain depuis des années en expliquant à Matthieu les transformations inéluctables qu’allaient connaître son corps. Il avait accueilli ces informations d’une manière déconcertante, à savoir en se mettant à parler d’une voix très grave et affectée. Depuis près de deux ans environ, il  s’exprime ainsi, avec une « voix d’ado » comme je le lui dis parfois, ce qui a le don de l’agacer. Maintenant que nous sommes vraiment au seuil de son adolescence, je me dis que c’était sa manière à lui d’anticiper le cours des choses pour se rassurer. Essayer d’avoir une emprise sur la mue, aussi artificielle (et inutile !) soit-elle, l’aide sans doute beaucoup.

Bref, j’observe ces changements, avec circonspection parfois, il faut bien l’avouer, mais je me répète en boucle que je ne dois surtout pas tout gâcher en faisant la moindre remarque à ce sujet. Matthieu ne veut plus me faire de câlins (« Je suis trop grand, maman ! ») : tant pis. J’apprends à respecter son espace intime et je suis heureuse de faire, pour une fois concernant Matt, les mêmes expériences que les autres mamans.
Il y a quelques mois, Matthieu a eu une petite copine –je n’en reviens toujours pas ! Il a traversé des moments difficiles car l’autisme reste toujours là malgré ses progrès et il avait beaucoup ritualisé leur relation. Quand il ne recevait pas un bisou sur la joue à sa descente du bus, par exemple, il pleurait en cours, ce qui, évidemment, n’était socialement pas acceptable. Handicapé par l’autisme dans le décodage des intentions des autres, il avait encore plus de mal qu’un autre à comprendre les subtilités du comportement et du discours d’une pré-ado : « aujourd’hui, je préfère être avec mes copines qu’avec toi » ; « je ne suis plus sûre d’être amoureuse mais peut-être que si quand même »…. AVS, surveillantes et parents (quand nous avons été mis au courant) ont essayé de lui expliquer les subtilités en question. En douceur et à gros renfort de pourcentages –les statistiques sont ses meilleures amies-, nous lui avons fait comprendre que la probabilité que son amoureuse de 6ème soit sa vraie amoureuse pour la vie était proche de zéro. Un jour, sa petite amie redeviendrait une amie tout court, c’était presque sûr. Quand c’est arrivé, après quelques péripéties, Matthieu a décrété qu’elle n’était qu’une « manipulatrice » (la pauvre ! Où a-t-il trouvé cela ?!) et est redevenu parfaitement serein. Au final, j’ai été rassurée, d’une part, de voir qu’il pouvait présenter tous les symptômes de l’amour, d’autre part, de constater qu’il pouvait encaisser une grosse déception sentimentale.

Pour en revenir à l’adolescence, j’ai délaissé mes sempiternels bouquins sur l’autisme pour me plonger dans un ouvrage sur l’adolescence de Natalie Levisalles intitulé L’ado (et le bonobo). Essai sur un âge impossible, paru chez Hachette littératures en 2010. J’ai dévoré cet essai au style drôle et enlevé en une journée. L’auteur y digère les dernières données neuroscientifiques, anthropologiques et sociologiques sur la question pour nous brosser un tableau à la fois humoristique et solidement documenté de ce qu’est l’adolescence. J’avais déjà quelques notions de tel ou tel aspect du sujet grâce à ma lecture assidue de Cerveau et psycho mais j’ai apprécié cette synthèse limpide qui m’a permis de mieux comprendre les questions « d’élagage des connexions superflues entre les neurones » par exemple.  Le passage sur les difficultés de tous les ados dans le domaine de la Théorie de l’esprit m’a aidée à relativiser un petit peu le déficit structurel de Matthieu en la matière. Est-il permis d’espérer que la réorganisation cérébrale de l’adolescence l’aidera, comme les autres, à améliorer ses compétences en la matière ? Nous verrons. En tous les cas, il paraît évident qu’en cette période charnière, le stimuler reste très important. Natalie Levisalles présente les travaux du neuropsychiatre américain Jay Giedd en insistant sur ce qu’il dit de l’élagage de certaines connexions : « use it or loose it » (« tu l’utilises ou tu le perds »). Elle écrit : « Commentaire et mise en garde de Giedd : ce serait dommage de se tromper de choix, c’est peut-être le moment de mettre la pédale douce sur les jeux en ligne et de s’intéresser un peu plus à des choses qui pourraient être utiles plus tard. » Elle nuance aussitôt en faisant allusion à d’autres chercheurs qui ne seraient pas aussi catégoriques mais pour ma part, si j’applique ces quelques lignes à un adolescent avec autisme, je me dis qu’il est encore plus crucial que pour un autre de l’aider à faire le tri. Autrement dit, je pense qu’il faut l'aider encore plus qu'avant à laisser de côté les centres d'intérêts socialement peu acceptables  mais qu'il ne faut pas freiner les centres d’intérêt restreints susceptibles de lui ouvrir une voie professionnelle (j’y reviendrai dans un prochain article) car il est à un âge clé où les choses importantes s’enracinent pour l’avenir.

Je conclurai en  conseillant à tous les « singes néoténiques » que nous sommes la lecture de cet ouvrage, et ce qu’ils soient parents d’adolescents autistes ou neurotypiques.

19 décembre 2013

Séraphin Verre

Pendant ma grossesse, j’ai eu le temps de me plonger dans la lecture d’un roman que j’avais repéré depuis un moment déjà : Séraphin Verre, de Christian Pernath (Albin Michel, 2002).

Le mot « autisme » n’apparaît  jamais dans cet ouvrage, ce qui est logique puisque l’essentiel de l’action se passe durant  la première guerre mondiale, à une époque où le terme « autiste » n’est pas encore utilisé pour désigner ces enfants atypiques qui ont si longtemps fait figure d’idiots  du village. C’est pourtant un enfant autiste qui est décrit avec poésie mais justesse, tendresse et sans misérabilisme dans ce très beau roman.
La simplicité de la vie rurale de la fin de la Belle époque décrite au début du livre fait écho au caractère « simplet » de la mère de « Zéravin », comme elle aime appeler ce fils que sa famille s’obstine à vouloir baptiser Gustave. Séraphin grandit, étrange, muet, ni spécialement choyé, ni rejeté, non plus… Sur sa route, il trouve toujours de « braves gens », prêts à l’aider et même à l’aimer malgré la bizarrerie de son comportement. La figure d’Ernest, un vieux maître verrier qui le prend sous son aile pendant la Grande Guerre, est particulièrement attachante. Lui comprend bien que le monde étrange de Séraphin est finalement plus « normal » que la réalité lunaire qui entoure son village réquisitionné par l’armée allemande et sa terre pilonnée par les tirs d’artillerie. Une belle amitié, toute en pudeur,  se tisse entre le vieil Ernest et un officier allemand qui, lui aussi, au milieu de ce monde devenu fou, prend Séraphin tel qu’il est et non tel qu’on voudrait qu’il soit.  

Le monde de la verrerie, avec le rougeoiement  et la chaleur de ses feux, le grain de son sable, la transparence de son verre, les couleurs de ses pâtes… est le théâtre de nombreuses explorations sensorielles pour Séraphin, des expérimentations plus ou moins agréables où son « hyper ou hypo-sensorialité » est mise en avant pour le lecteur avisé qui connaît l’autisme.

Si l’on ajoute à tout cela le fait qu’il est fort bien écrit, ce roman historique mettant en scène un enfant autiste devait nécessairement plaire à la prof d’histoire reconvertie en enseignante spécialisée que je suis.

19 juillet 2013

Autisme, ABA et jeu

Si j’ai négligé mon blog durant 5 longs mois, je n’ai pas pour autant cessé de lire sur l’autisme, bien au contraire…

L’ouvrage de Ron Leaf et John McEachin, Autisme et ABA : une pédagogie du progrès (Pearson Education, 2006) m’a beaucoup intéressée. Les petits programmes qui y sont présentés de manière très structurée (objectifs, éventuels prérequis, méthode étape par étape…) m’ont paru accessibles dans le cadre familial sans avoir nécessairement recours à des éducateurs spécialisés. De fait, j’y ai retrouvé beaucoup des pratiques intuitivement mises en œuvres à la maison quand Matthieu était petit, à une époque où nous usions de stratégies comportementales et éducatives sans le savoir…
Ce que j’ai particulièrement apprécié dans cet ouvrage, c’est la place de choix laissée au jeu. Les auteurs y formulent très bien son importance dans le processus du développement social d’un enfant. Dès lors, on comprend bien la nécessité de favoriser l’émergence du jeu pour aider les enfants avec autisme à progresser. Le jeu est à la fois une fin en soi et un moyen de stimuler d’autres compétences, ce que j’ai essayé de montrer à ma manière, dans mon propre livre.
Voici un petit florilège des réflexions les plus justes (selon moi) de Ron Leaf et John McEachin sur le jeu :
« Etre capable de jouer de manière fonctionnelle avec les autres va accroître le bonheur de l’enfant. […] En outre, savoir jouer l’aidera également à acquérir des compétences cognitives abstraites. »
« Jouer est un cheminement important qui mène à l’amélioration du langage et à l’apprentissage en général. » (chapitre 11, compétences sociales et capacités de jeu).

Dans le chapitre 12 (Jouer avec les autres), les auteurs montrent comment faire jouer un enfant avec autisme avec ses pairs. Jouer avec des adultes leur paraît moins riche mais à la maison, Thierry et moi avons pu constater -et nous continuons à la faire- que cela débloquait déjà bien de compétences !

17 juillet 2013

Autisme et psychoéducation

Je n'arrive pas à croire que je n'ai rien mis en ligne depuis le mois de février ! Pourtant lectures et réflexions se sont accumulées. Je n'aurai pas de trop de tout l'été pour rattraper mon retard et partager mes idées. J'avais en stock depuis un moment le message qui suit et que je viens d'achever. Ce que l'on appelle la "psychoéducation" est un sujet qui me tient à cœur car je crois beaucoup en ses apports. J'espère en faire un exposé parlant et fidèle.



Le « manuel psycho-éducatif pour autistes » de Peter Vermeulen (« Je suis spécial », paru chez De Boeck, 2010) m’a confortée dans ma conviction que pour progresser, une personne avec autisme (et même un enfant) doit connaître la nature exacte de son trouble et comprendre les mécanismes de son fonctionnement cognitif.

Ceux qui suivent le parcours de Matthieu le savent : nous lui avons très tôt dit qu’il était autiste et il gère seul beaucoup de ses comportements inappropriés parce qu’il sait les identifier et que nous avons forgé avec lui des outils adaptés à son âge qu’il peut mettre en œuvre seul pour se canaliser (« Boîte dévoreuse d’autisme », « papiers- exutoires de frustration »…).

Dans son ouvrage, Peter Vermeulen reprend la définition qu’A.E. Ivey donnait de la psychoéducation dans les années 70 : « Le but du modèle de psychoéducation est d’armer les gens des compétences nécessaires afin qu’ils puissent prendre leur vie en main de leur propre manière. » On ne peut être plus clair.

En tant que formatrice sur les Troubles du Spectre de l’Autisme intervenant auprès de collègues du second degré, j’accumule les témoignages d’enseignants qui éprouvent le besoin de connaître l’autisme pour être plus efficaces et qui s’étonnent du flou qui entoure beaucoup de leurs élèves manifestement autistes mais dont les médecins refusent de parler clairement sous prétexte de ne pas étiqueter l’enfant. Ils tombent des nues quand ils constatent que les parents demandent des adaptations sans bien savoir mettre un nom sur le trouble  de leur enfant. Ils sont atterrés quand ils perçoivent le désarroi et la souffrance de jeunes adolescents autistes de haut niveau qui se rendent compte de leur différence mais ne savent pas la gérer. Leurs témoignages sont unanimes : tout serait plus simple si chacun accédait à la connaissance. Personne ne conteste plus que la dyslexie d’un élève soit connue de tous (enfant, parents, enseignants). Il ne devrait pas y avoir de tabou non plus concernant l’autisme. Mon vécu de maman et mon vécu d’enseignante / formatrice m’en donnent la conviction la plus profonde.

Quand l’élève avec autisme qui se trouve dans mon ULIS me demande : « Dis, Anne, pourquoi je suis en ULIS ? Il se passe quoi dans ma tête ? Est-ce que je suis handicapée ? Je ne suis pas folle ?! » et que je ne peux pas lui répondre clairement sous peine d’avoir de gros ennuis avec son médecin, j’oscille entre tristesse et colère. Quand je lui explique son fonctionnement cognitif –sans l’associer à l’autisme puisque je n’en ai pas le droit-, elle est passionnée et elle tient compte de ce que je lui expose et des outils que je lui fournis sans pouvoir aller au bout des explications. Et j’avance avec elle. Mais j’irais tellement plus vite, si je pouvais faire exactement comme avec Matthieu.

Juste avant les vacances, j’ai été invitée à la réunion de préparation de rentrée en lycée technique d’un élève Asperger. Pour peu qu’on le mît sur la voie en lui posant les bonnes questions, il était capable de parfaitement exposer son fonctionnement, ses points de forces et ses limites. Mais il venait d’une école où on lui avait appris à le faire (à Lyon). Je ne m’inquiète pas pour lui d’autant que l’équipe éducative était motivée, bienveillante et attentive. J’ai senti le médecin scolaire épaté par la manière lucide dont il évoquait son trouble. Cela devrait (et pourrait) toujours être comme cela avec des jeunes gens autistes de haut niveau.

 

Mais laissons là mes convictions sur la nécessaire transparence du diagnostic -même si un blog est par essence un lieu où l’on peut partager ses idées en les assumant pleinement- et revenons à l’ouvrage de Peter Vermeulen.

Le passage concernant le « discours socrautique » (néologisme basé sur une contraction de « Socrate » et de « autiste ») est particulièrement intéressant. L’auteur y montre –entre autres passionnantes choses- comment favoriser l’autonomie, la prise d’initiative et la flexibilité d’une personne avec autisme en lui apprenant à se poser les bonnes questions. De nombreux exemples très concrets émaillent sa démonstration. Tel Socrate avec ses disciples, il s’agit, en posant des questions habilement orientées, d’aiguiller en douceur son interlocuteur vers la démarche qu’il devrait adopter pour réussir une tâche (gérer son matériel, s’habiller seul…). A lui d’identifier les étapes à franchir à mesure qu’il répond aux questions posées. Le processus est un peu chronophage mais s’il est répété régulièrement, il permet à la personne avec autisme d’acquérir des réflexes quant à la réalisation de certaines tâches (bénéfice immédiat)  et des stratégies cognitives pour en accomplir de nouvelles (quelles questions dois-je me poser ? quelles étapes me séparent de la tâche qui m’est assignée ?). Je pratique de temps à autres le « discours socrautique » avec Matthieu. C’est très efficace mais il faut que je sois subtile dans l’approche car si je viens vers lui en commençant par « A ton avis, qu’est-ce que tu dois faire pour… ? », il sait qu’il est parti pour un petit dialogue visant à lui faire faire seul quelque chose qu’il aimerait me voir faire à sa place, ce qui le fait parfois râler. Après tout, c’est un pré-ado pas si différent que cela des autres !

14 novembre 2012

Autisme et émotions

Je viens de terminer la lecture de la deuxième édition de l’ouvrage de Peter Vermeulen, Autisme et émotions, paru chez De Boeck en 2011.


La plupart des points développés m’étaient familiers mais j’ai apprécié les exemples concrets exposés (expériences sur la perception des émotions par les bébés ; nombreux petits récits de situations observées par l’auteur) et le caractère didactique du livre qui fait la synthèse de recherches scientifiques pointues (neurobiologie ; théorie de l’Extreme Male Brain…) et propose des argumentations claires pour contribuer à des réflexions complexes (notion de « systématisation » et abord algorithmique des comportements humains, page 132).

L’éclairage nuancé que Peter Vermeulen apporte à la notion-clé de « théorie de l’esprit » est fort intéressant. Son concept de « cécité contextuelle » est très parlant dès lors que l’on veut évoquer le traitement localisé de l’information qu’opèrent les personnes avec autisme. Je n’ai jamais lu de définitions aussi pertinentes de « l’empathie » et de la « sympathie » (« une réaction réflexe » selon lui) que sous sa plume.
De même, il formule très clairement des phénomènes cognitifs que j’observe depuis des années chez Matthieu. Le passage qu’il consacre aux difficultés narratives des personnes avec autisme est d’une grande limpidité. Il explique que « les récits des personnes avec autisme sont souvent des énumérations (hyperdétaillées) de faits et gestes », et que c’est le fait que la « capacité d’examiner au-delà des faits et gestes extérieurs [fasse] défaut » qui entraîne que les récits des personnes avec autisme ont peu de sens. Je n’aurais jamais pensé à corréler défaut de narration et défaut de perception/compréhension des émotions d’autrui… Je n’avais jamais envisagé l’hypothèse que la cohésion d’un récit puisse avant tout reposer sur « le fil conducteur des intentions humaines »…

Quant à la conclusion du dernier chapitre : « Peut-être devrions-nous travailler notre intelligence émotionnelle plutôt que la leur… », cela fait longtemps que j’ai compris qu’il s’agit d’une clé essentielle pour communiquer avec Matthieu… et avec (tous) les autres. En essayant d’aller à la rencontre d’une personne avec autisme, on apprend aussi beaucoup sur soi.

14 août 2012

Phaenomen


Phaenomen est un roman en trois tomes d’Erik L’Homme paru aux éditions Gallimard jeunesse (puis Folio Junior).
Il s’agit d’un roman d’aventure à suspense pour adolescents qui prend assez rapidement une tournure fantastique. Les héros en sont quatre jeunes gens si « extraordinaires » que leurs parents ont décidé de les confier à une clinique psychiatrique suisse accueillant des « cas désespérés ». Violaine, la meneuse de la bande, déteste qu’on la touche, Claire présente des troubles de l’équilibre et des difficultés motrices, Nicolas supporte difficilement la lumière du jour et Arthur a des traits autistiques marqués. Au cours de l’épopée rocambolesque qui les entraîne à travers le monde sur les traces de leur médecin qui a été enlevé puis sur les pas des Templiers, les héros découvrent que leur handicap peut devenir leur force. C’est au fond le principal enseignement du livre même si cette force revêt un caractère surnaturel et fantastique chez Violaine, Claire et Nicolas. Le talent exceptionnel d’Arthur, en revanche, n’est pas complètement surréaliste puisqu’il s’agit d’une mémoire hors-norme, telle qu’en possèdent certaines rares personnes avec un autisme de très haut niveau. Au total, c’est Arthur le héros le moins original de l’histoire… La vision par le détail et les troubles sensoriels d’Arthur sont bien décrits de même que ses centres d’intérêt restreints. Ce qui concerne les interactions sociales colle moins bien avec les caractéristiques de l’autisme mais l’ambition première de l’auteur n’était assurément pas de traiter ce sujet.

C’est la documentaliste de mon collège qui m’a invitée à lire ce roman. Elle a mis en avant les trois tomes de l’ouvrage au CDI à côté d’une exposition que j’ai conçue afin de sensibiliser les jeunes de mon établissement à l’autisme. Au-delà du fantastique, la trilogie montre que la différence peut être source de richesse. Elle montre aussi combien il est crucial pour chacun de savoir qui il est afin de trouver sa place dans le monde.

J’ai beaucoup aimé la construction du roman dont les chapitres sont forgés à partir de mots latins ; les personnages ouvrent à tour de rôle ces chapitres en nous livrant leurs réflexions, souvenirs et mondes intérieurs. J'ai aussi été sensible à l'allusion faite à Antoine de Ville -les membres de la famille qui lisent le blog comprendront ! J’ai moins aimé les tueurs embusqués à chaque phase importante du récit, mais leur présence est liée au genre (un thriller) qui ne correspond a priori pas à mon champ de prédilection. 

11 juin 2012

Matthieu, Toto, Adèle et la Théorie de l'Esprit

Le concept de "Théorie de l'Esprit" (la capacité à comprendre nos propres pensées, à interpréter celles des autres, à anticiper leurs réactions et détecter leurs intentions) est maintenant bien connu des personnes qui s'intéressent à l'autisme. Grâce aux travaux de Baron-Cohen, on sait que cette capacité est déficitaire chez les personnes avec autisme, ce qui les met en grande difficulté socialement (leur incapacité à tromper ou à comprendre la tromperie, par exemple, est à mettre en relation avec leur défaut de théorie de l'esprit). Tout cela est rappelé de manière très claire dans Apprendre aux enfants autistes à comprendre la pensée des autres, de Patricia Howlin, Simon Baron-Cohen et Julie Hadwin, paru chez De Boeck en 2010 pour la traduction en Français. Les auteurs y reprennent la fameuse expérience  de "Sally et Anne" qui illustre bien à quel point une personne avec autisme est en difficulté dès lors qu'il s'agit de repérer et comprendre une fausse croyance, alors qu'un enfant neurotypique de 4 ans y parvient. Notons que dans cet ouvrage, les auteurs remplacent l'expression "théorie de l'esprit" par "lecture de l'esprit".



Bien que Matthieu ait un relativement haut niveau de fonctionnement et bien qu'il nous épate jour après jour par ses progrès, il est clairement déficitaire en ce qui concerne la "lecture de l'esprit".
J'en ai eu deux exemples récents aux travers de ses lectures.
Matthieu adore les albums de la collection "Les blagues de Toto" de Thierry Coppé. Mais il ne comprend pas pourquoi les personnages ont toujours l'air consterné en entendant les réflexions de Toto. Et pour cause: à bien des égards, il voit les choses sous le même angle que Toto.
La blague "Il faut battre le frère" dans L'élève dépasse le mètre est particulièrement édifiante à cet égard. Toto s'énerve et traite l'un de ses camarades de menteur car il lui a dit qu'il avait un seul frère. Or la soeur du garçon lui a dit avoir deux frères, ce qui est logique et tout à fait exact de son point de vue à elle. Mais Toto est incapable de se décentrer et de changer de point de vue d'où son incompréhension et son sentiment d'avoir été floué par un menteur. Matthieu ne comprend absolument pas ce gag. Pour lui, le désarroi de Toto est légitime et il est très difficile de lui expliquer le changement de perspective qui s'opère dans la blague.




















Un autre exemple. Matthieu et Agathe ont une belle petite collection des "Drôles de petites bêtes" d'Antoon Krings (Gallimard Jeunesse).  Adèle la sauterelle, dans l'opus qui lui est consacré, est particulièrement étourdie. Elle échange deux lettres, si bien qu'il devient difficile de suivre qui parmi les personnages de l'histoire reçoit quoi à la place de qui et qui est au courant de quoi. Alors que je questionnais les enfants sur ce dernier point, Agathe a donné la bonne réponse sans la moindre hésitation tandis que Matthieu tombait dans le piège que je lui tendais : il a répondu ce qu'il savait lui et non ce que savaient les personnages. L'illustration parfaite de Sally et Anne.
Bref, il y a un gros travail à faire avec lui sur ces questions de changement de point de vue. Je m'y attellerai cet été.


Encore un mot, pour finir, sur Apprendre aux enfants autistes à comprendre la pensée des autres. Cet ouvrage est un guide pratique très concret, abondamment illustré, destiné -en 5 niveaux à chaque fois- à faire travailler à des enfants avec autisme la compréhension des émotions, celle de "l'état informationnel" et le jeu de faire semblant. Matthieu est déjà bien au-delà du cinquième niveau concernant le faire semblant mais le guide pourrait m'être précieux pour tout ce qui a trait à la compréhension des fausses croyances.

3 juin 2012

Formidable Cerveau et psycho...

J'ai déjà maintes fois eu l'occasion d'écrire tout le bien que je pense du mensuel Cerveau et psycho. Son dossier du  mois de mai (je sais, j'aurais dû écrire ce message il y a trois semaines...) est consacré à l'autisme. Comme toujours, on y trouve des articles à la pointe de la recherche et en même temps accessibles. J'y ai trouvé mon compte comme maman, comme enseignante et comme formatrice sur les Troubles du Spectre Autistique. Plusieurs points ont particulièrement attiré mon attention : l'idée que les tests de QI défavorisent les élèves avec autisme puisqu'ils ont une autre forme d'intelligence ; le schéma de synthèse sur les spécificités anatomiques du cerveau des personnes avec autisme (je rêvais d'une telle "carte du cerveau" depuis longtemps...). Même l'article de Keith Oatley intitulé "Les romans renforcent l'empathie", qui n'appartient pourtant pas au dossier sur l'autisme, m'a paru intéressant pour aider Matthieu en renforçant le travail que nous avons déjà commencé autour du roman.
Ce numéro 51 de Cerveau et psycho comporte aussi de nombreuses références bibliographiques que je compte bien exploiter.

A noter aussi pour mai 2012 une double-page sur l'autisme dans le mensuel La recherche (n° 464).

27 avril 2012

L'arrière-grand-mère de Matthieu (87 ans) se documente sur l'ABA

Matthieu sort d'une période difficile. Son arrière-grand-mère (ma grand-mère) en a été particulièrement affectée. C'est bien simple, chaque fois que je l'ai vue ou entendue pleurer, c'était parce que Matthieu -qu'elle aime beaucoup- allait mal. Inquiète, elle s'est fait offrir le livre de Florine Leconte, Le sortir de son monde. Le combat d'une mère pour son enfant autiste (syndrome d'Asperger) paru en 2011 chez Michel Lafon.
Je n'ai pas lu ce témoignage : je ne me permettrai donc pas d'émettre un quelconque avis à son sujet.
Ma grand-mère y a manifestement appris beaucoup de choses. Elle m'a questionnée sur la spécificité du syndrome d'Asperger, sur l'ABA qu'elle a trouvé difficile à mettre en oeuvre. Elle m'a demandé si nous appliquions cette méthode, ce que j'en pensais. Ce à quoi j'ai répondu qu'il fallait des professionnels pour appliquer l'ABA dans sa globalité et que c'est une méthode efficace. Je lui ai aussi dit que, sans le savoir, Thierry et moi avions fait un soupçon d'ABA dans notre stimulation par le jeu.
Quand Matthieu lui a téléphoné pour la rassurer sur son état (c'est bien sûr moi qui ai demandé à Matthieu de faire cette démarche), elle a pleuré, de joie cette fois. Elle m'a toutefois confié avoir été ébranlée quand elle a compris qu'on ne guérissait pas de l'autisme. A la lumière de tout ce que je sais sur les caractéristiques de ce trouble neuro-développemental aujourd'hui, je regrette d'avoir laissé un point d'interrogation à la fin de mon témoignage concernant une éventuelle guérison. Evidemment qu'on ne guérit pas de l'autisme ! J'ai expliqué à mémère que l'on pouvait continuer à aider Matthieu à vivre le mieux possible avec ce handicap.
Quand Matthieu prend conscience de l'amour que son arrière-grand-mère lui porte, cette dernière l'aide aussi, à sa façon...

15 avril 2012

Matthieu professeur de lecture avec la méthode Borel-Maisonny



Agathe a une excellente maîtresse, qui sait bien y faire pour éveiller la conscience phonologique de ses petits élèves. Comme son grand-frère en son temps –sur ce point, il n’avait absolument aucun retard-, Agathe est donc, à 5 ans et demi, bien engagée sur la voie de la lecture.

A la maison, Matthieu joue spontanément au petit professeur : avec un remarquable sens de la pédagogie, il fait lire sa sœur. Il utilise pour l’aider la méthode Borel-Maisonny qu’il apprend à maîtriser seul en compulsant mon exemplaire de Bien lire et aimer lire. J’utilise cette méthode phonétique et gestuelle avec mes élèves d’ULIS, ce qui explique que le livre traîne souvent sur mon bureau. Matthieu s’est montré très enthousiaste la première fois qu’il m’a vue imprimer des photographies des gestes correspondant aux sons ON, IN, AN… en vue de les afficher dans ma salle. Dès lors, il n'a eu de cesse que d'apprendre les gestes et de lister les sons.

L’usage des gestes peut facilement prendre une tournure ludique. Matthieu l’a compris : il est un très bon professeur de lecture ! Pour ma part, je me contente d'écouter Agathe chaque fois qu'elle a envie d'essayer de me lire quelque chose. Elle a le temps, elle est jeune, il ne faut pas la forcer à lire si elle n'en a pas envie.

31 décembre 2011

Lettres à un Petit Prince sorti de sa bulle





Voilà déjà près d’un an que Mme Catherine De La Presle m’a fait l’amitié de m’envoyer un exemplaire du livre-témoignage qu’elle a co-écrit avec Dominique Valeton sur les énormes progrès réalisés par son petit-fils grâce à la méthode des 3i. J'ai déjà rédigé des messages sur cette méthode : je n'y reviendrai donc pas ici. Avoir tant tardé à faire la publicité de ce livre me rappelle combien j'étais accaparée par mon travail l’an dernier et combien il m’a fallu de temps pour récupérer et me remettre à mon blog.
Je conseille évidemment et le livre et la méthode. Le jeu est une clé –sinon LA clé- pour stimuler un enfant avec autisme : j’en ai la conviction, comme chacun sait.
Je profite de ce petit message pour évoquer ma déception à la lecture du magazine Déclic. Dans le dossier qui était consacré à l’autisme, il y a quelques mois, le jeu était présenté par les journalistes comme intéressant mais à prendre avec des pincettes car ce n’était pas conseillé par les hautes instances qui se penchent sur la question de l’autisme en France actuellement.
Comment peut-on être aussi méfiant ? Même en admettant qu’une stimulation intensive par le jeu ne soit pas efficiente pour tous les enfants –ce dont je doute-, à tout le moins, cela ne peut leur faire de mal ! Le jeu fait par essence partie de l’enfance. Tous les enfants jouent et c’est l’absence de jeu qui est anormale. S'amuser autour de jeux de société ne peut représenter un danger quelconque.
Inutile de dire que, déçue, j’ai renoncé à m’abonner à ce magazine…

25 août 2011

Déclic




Je vais dès aujourd'hui demander à profiter de cette offre découverte. A suivre...

6 mars 2011

"Rosa candida" : comme un aimant...

Rosa candida est un roman d'Audur Ava Olafsdottir traduit en français et publié aux éditions Zulma en janvier 2011.
Entre mon travail, la stimulation de Matthieu et les jeux avec Agathe, je ne trouve plus le temps depuis des années d'aller flâner dans une librairie pour toucher les livres, les feuilleter, en choisir un au hasard... Tout ce que je lis est prémédité, repéré et commandé sur Amazon.
Mais peu après Noël, alors que nous avions réussi à trainer Matthieu à la Fnac pour lui acheter les figurines "Mario et Sonic" dont il rêvait, j'ai pu jeter un rapide coup d'oeil aux rayonnages tant convoités du magasin. Là, la couverture "géométriquement" colorée (il y avait du orange et Matthieu prétend que le orange est ma couleur préférée, ce dont je n'ai pas vraiment conscience...) d'un livre a immédiatement attiré mon regard. Ce fut le seul ouvrage que je pris en mains alors que Matthieu et Agathe couraient déjà à la caisse. Le résumé du livre disait ceci : " Le jeune Arnljotur va quitter la maison, son frère jumeau autiste, son vieux père octogénaire, et les paysages crépusculaires de laves couvertes de lichens." Et voilà. Encore l'autisme... Le roman me tendait les bras. Je l'ai acheté, bien sûr... Et je ne l'ai pas regretté. C'est un récit attachant où l'on croise tendrement le fameux jumeau autiste du narrateur, si beau et qui ne sait pas mentir. Il n'est de loin pas le personnage central du roman mais il est présent dans les pensées de son frère et il éveille la curiosité d'Anna, cette jeune maman généticienne qui observe, questionne, toujours prompte à s'interroger sur l'acquis et sur l'inné.
Mon frère est féru de littérature scandinave depuis toujours et je commence à comprendre pourquoi.

21 octobre 2010

Laurent Mottron : L'autisme,une autre intelligence.


Laurent Mottron, L'autisme : une autre intelligence. Diagnostic, cognition et support des personnes autistes sans déficience intellectuelle, Sprimont (Belgique), Pierre Mardaga éditeur, 2006.

Je voulais m'attaquer à la lecture de cet ouvrage depuis longtemps. J'ai enfin pris le temps de m'y mettre et le peu que j'ai lu me paraît absolument remarquable. L'ouvrage est peut-être un peu trop technique pour une première lecture sur l'autisme mais quand on connaît déjà bien le fonctionnement autistique, on peut, grâce à lui, considérablement affiner ses connaissances sur les TEDSDI (Troubles envahissants du développement sans déficience intellectuelle). Matthieu appartient clairement à cette catégorie. Comme lui, d'après certaines recherches dont Laurent Mottron se fait l'écho, 67 % des autistes n'auraient pas de déficience intellectuelle. Cette évaluation va à l'encontre de bien des idées reçues et peut avoir d'importantes incidences sur le plan du diagnostic et de la prise en charge de beaucoup de TEDSDI qui s'ignorent, puisque leur intellect "dans la norme" a souvent fait que les psychiatres répugnaient à les diagnostiquer clairement TED. C'est du reste ce qui serait arrivé à Matthieu si je n'avais pris le taureau par les cornes pour comprendre de quoi il souffrait.
Les connaissances les plus récentes en neuropsychologie de l'autisme sont présentées dans ce livre qui donne d'utiles éclairages sur le fonctionnement de la mémoire, par exemple, ou encore sur les praxies et les apprentissages.
J'ai hâte de terminer la lecture de cet ouvrage érudit et passionnant. Je crois que cette lecture va me permettre d'enrichir la présentation sur l'autisme que je dois faire à la rentrée aux responsables d'Ulis de mon académie.

11 octobre 2010

Le bizarre incident du chien pendant la nuit.


Oui, oui, je sais... Il est incroyable que je n'aie pas lu plus tôt ce roman de Mark Haddon plébiscité dans le monde entier (version française chez Pocket Jeunesse, 2005). Bien sûr, j'ai été emballée, émue, amusée. Bien sûr, dans la logique à la fois implacable et désarmante de Christopher Boone, j'ai reconnu beaucoup des traits de la personnalité de Matthieu. Tout y est, de l'hypersensiblité auditive, à la vision par le détail en passant par les petits smileys décodeurs d'expressions/émotions.

Je ne peux qu'en recommander la lecture !

17 juin 2010

Les troubles du comportement (G. Laxer et P. Trehin)


En janvier dernier, j'ai entendu à Suresnes Gloria Laxer, dont j'ai acheté le livre (écrit avec Paul Trehin) intitulé Les troubles du comportement associés à l'autisme et aux autres handicaps mentaux (A.F.D, nouvelle édition de 2008).
Cet ouvrage est clair, destiné aussi bien aux parents qu'aux professionnels. J'y ai retrouvé quelques uns des principes que je mets moi-même en avant dans mon témoignage :
- il faut être en permanence à l'écoute pour identifier les causes des comportements inappropriés, en ayant toujours à l'esprit la possible existence de troubles sensoriels (qui perturbent souvent les personnes autistes)
- il ne faut jamais négliger les causes organiques de troubles du comportement
[Une de mes amies a un petit cousin autiste qui ne communique pas mais cumule les comportements inadaptés. Il y a peu, sa maman l'a trouvé en sang : il souffrait de très graves troubles de l'intestin que personne n'avait soupçonnés mais qui, très certainement, devaient l'indisposer depuis des semaines. Il a fallu l'opérer d'urgence. Il est encore convalescent mais je serais curieuse de savoir si l'amélioration de sa santé physique sera suivie d'une baisse significative de ses troubles du comportement. Il faut l'espérer en tout cas.]
- il ne faut pas sous-estimer le niveau de compréhension d'une personne avec autisme (il peut être plus élevé que ses capacités à s'exprimer et à communiquer)
- il faut expliquer les choses potentiellement effrayantes pour les rendre plus tolérables (surtout si elles surviennent par surprise).
Les auteurs ont conçu une "fiche de comportement" qu'ils reproduisent dans leur ouvrage.
Gloria Laxer est par ailleurs très attentive à une lecture développementale des comportements des enfants avec autisme.

16 mai 2010

"Joueurs de nature" (Marc Pouyet)





Joueurs de nature (45 jeux traditionnels en land art) est un magnifique livre de Marc Pouyet paru aux éditions "Plume de carotte". J'ai eu un coup de coeur pour cet ouvrage fourmillant d'idées et de photos absolument superbes.

Matthieu a pratiqué le Land art en classe verte et le jeu est au centre de nos vies à la maison : le livre de Marc Pouyet constitue une merveilleuse synthèse de ces deux activités.

En m'inspirant des photos du livre sur les cibles, j'ai essayé, ce matin, de stimuler la créativité de Matthieu en l'aidant à construire une cible "végétale" dans le jardin de ses grands-parents. Agathe nous a un peu aidés. Nous avons utilisé une feuille de rhubarbe, des brindilles, des rondins de bois, des tiges de pissenlits, des pétales de magnolia, des pâquerettes... pour finalement arriver au résultat présenté en tête de cet article.

Par essence, le Land art est éphémère et c'est vrai que notre composition a difficilement résisté aux lancers de cailloux et parties d'adresse qui ont suivi...


Je trouve très important de favoriser la créativité de Matthieu, aussi ai-je vraiment hâte de retenter ce type d'expérience "ludo-créative", qui présente l'avantage de se pratiquer dans la nature. C'est l'occasion d'observer minéraux et végétaux, de sentir, humer, toucher... bref, d'éveiller ses sens.

19 avril 2010

Une intéressante définition de la peur

Depuis que je sais que Matthieu est autiste, je ne parviens pas à lire autre chose - en dehors de Courrier International- que des essais sur l'autisme, sur les neurosciences ou sur l'application de tous les apports neuropsychologiques que je commence à comprendre, dans les sciences de l'éducation. Bref, aucun roman ne m'attire. Si d'aventure j'en commence un, je l'abandonne rapidement pour me plonger dans un livre sur l'autisme. Depuis quelques semaines, toutefois, je commence à saturer. Aussi ai-je pris la ferme résolution de partir à Naples sans livre sur l'autisme. Je suis allée à la librairie pour choisir un roman et là, j'ai été attirée par un ouvrage à la forme tout à fait originale - un récit émaillé de schémas, de plans, de cartes insolites- intitulé L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T. S. Spivet (traduit de l'anglais aux éditions du Nil en 2010). Pour reprendre les termes du critique du Washington Post, "je suis tombée amoureuse" de ce roman de Reif Larsen "dès la première page". Incroyable ! Moi qui me croyais condamnée à ne plus jamais savoir apprécier un roman !
C'est avec une réelle impatience que je vais en achever la lecture tout à l'heure, durant les dix interminables heures de train au terme desquelles je devrais enfin rentrer à la maison.
Le roman retrace l'invraisemblable odyssée à travers les Etats-Unis d'un jeune garçon précoce (surdoué). On ne se refait pas : même quand je me détends, mon cerveau est toujours prêt à faire des connections entre ce qu'il voit, ce qu'il lit, ce qu'il observe et cette question de l'autisme qui a fini par faire partie intégrante de ma vie. Mon mode de fonctionnement étant ce qu'il est devenu, j'ai donc noté avec grand intérêt cette toute petite phrase légendant un croquis de la page 261 :
" La peur est la somme de nombreux détails sensoriels".
Il me semble que cette définition est très pertinente, surtout concernant les autistes, dont l'hypersensorialité fausse le rapport au monde, en rendant les stimuli insupportables et, de ce fait, effrayants.
Oui, cette définition me plaît décidément beaucoup. Et puis grâce à elle, je peux recommander ce roman qui, sinon, aurait fait figure de hors-sujet sur ce blog...

19 février 2010

"Autisme et parentalité" de Christine Philip


Christine Philip est la responsable des formations sur l'autisme de l'INS HEA de Suresnes. Depuis une quinzaine d'années, elle participe à toutes les réflexions nationales et européennes sur la scolarisation des élèves avec autisme. J'ai eu la chance de l'entendre durant ma formation.

Son livre, intitulé Autisme et parentalité (Dunod, 2009), montre avec une grande sensibilité et une grande justesse ce qu'est la "parentalité" quand on est papa ou maman d'un enfant autiste. Tous les récits de vie qu'elle rapporte dans son ouvrage ont résonné en moi d'une manière ou d'une autre. Ses analyses, très fines, témoignent de sa grande expérience de l'autisme et de son intérêt sincère pour le parcours difficile des parents, dont elle contribue à défendre la place auprès de l'institution scolaire.

J'ai été sensible à la rigueur universitaire de la présentation de sa réflexion : cela m'a rappelé cette autre vie qui était la mienne au temps où j'avais du temps à consacrer à la recherche en histoire...

"La personne autiste et le syndrome d'Asperger" de Jean-Charles Juhel


J'ai déjà eu l'occasion d'écrire tout le bien que je pensais de La déficience intellectuelle, de Jean-Charles Juhel (Québec, Les Presses de l'Université Laval, 2000). La personne autiste et le syndrome d'Asperger (Québec, Les Presses de l'Université de Laval, 2007) m'a encore plus intéressée puisqu'il ne traite que de l'autisme. L'auteur est à la fois précis et synthétique. Tout est expliqué de manière claire et concrète par ce psychopédagogue dont l'ouvrage est sans conteste LE livre que je conseillerais à des parents ou à des enseignants de lire en premier pour comprendre les caractéristiques de l'autisme.