7 janvier 2010

"Devoir" ou "avoir le droit de" ?


Matthieu est de nouveau dans une phase de grands progrès. Durant les vacances, la seule ombre au tableau était sa persistance à se retenir d'aller faire pipi et ses protestations accompagnées de pleurs quand nous lui demandions de passer aux toilettes. J'ai souvent fait allusion à ce problème quotidien dans mes messages.

Comme j'en discutais avec Estelle, ma belle-soeur, elle m'a suggéré : "Pourquoi n'écrivez-vous pas un règlement ?" En lisant mon blog, elle avait noté que Matthieu avait surmonté sa crainte de la gastro ou sa peur de perdre ses dents grâce à nos fameux "règlements", placardés sur les portes de la maison. Elle avait raison ! Si j'avais rédigé depuis longtemps un efficace "règlement des toilettes" visant à décomposer les actions à enchaîner aux WC, je n'avais pas songé à élaborer un règlement visant à dédramatiser le fait de faire pipi.

Dès le lendemain, je me suis attelée à l'élaboration du nouveau "règlement". Matthieu n'était pas d'accord : "Non, tu ne fais pas un règlement du pipi !". Ignorant ses plaintes et son opposition, j'ai rédigé un premier article, puis un deuxième... Comme toutes les personnes qui s'occupent d'enfants autistes, je savais depuis longtemps qu'il fallait éviter le "Matthieu doit", trop agressif, trop impératif... Je ne l'avais d'ailleurs pas utilisé dans mes autres règlements. Mais là, je commis une malencontreuse négligence, en utilisant allègrement le verbe "devoir" dans mes premiers articles. Matthieu lisait et Matthieu était visiblement en colère. Retrouvant mes vieux réflexes, je me mis à réfléchir à toute vitesse. Pourquoi était-il passé d'un mécontentement mâtiné d'une certaine détresse à une franche colère ? Et là, le "doit" me sauta aux yeux... Je m'empressai de le biffer pour le remplacer par "Matthieu a le droit". Comme par magie, la colère de Matthieu retomba instantanément et il se mit à coopérer, allant jusqu'à me dicter les points 5 et 6. Quand la rédaction du "règlement" fut terminée, il dit : "On le met dans la boîte à autisme". Ce à quoi je répondis :"On l'accroche d'abord chez papi et mamie". Il obtempéra et la pancarte fut immédiatement placardée sur la porte des toilettes de mes parents. Agathe a contribué à l'oeuvre d'art en dessinant des bonshommes -elle sait les faire depuis six semaines environ.

Quelques jours avant l'élaboration de ce nouvel outil, j'avais lancé une nouvelle petite chanson, très vite reprise par Agathe : "PI-PI-PI-PIIIIII, PI-PI-PI-PIIIIIIIIII" (sur le fameux air de Beethoven), pour inciter Matthieu, de manière ludique, à aller aux toilettes. Relayée par Thierry, Agathe et la mamie de Matthieu, je voyais ce dernier partagé entre agacement et excitation quand il nous entendait chanter...

Les vacances se sont achevées sans aucune colère liée au passage aux toilettes. Nous avons oublié la pancarte chez mes parents et pourtant, depuis notre retour à la maison, Matthieu va de plus en plus souvent aux toilettes spontanément. Et il n'a pas pleuré une seule fois quand c'est moi qui lui ai demandé d'y aller.

Avec Matthieu, il n'y a jamais de hasard. Nos deux petites astuces sont assurément pour quelque chose dans cette amélioration.

Pourvu que cela dure !