19 juillet 2009

Dépasser une journée difficile grâce à l'écriture de petits textes

Malgré ses récents progrès, Matthieu est encore extrêmement vulnérable à l'échec et ses angoisses reviennent souvent le hanter, surtout s'il est fatigué. Quand c'est le cas, c'est nerveusement épuisant pour Thierry et moi qui avons alors le sentiment que tout est à refaire.

Il y a un petit truc qui nous aide, à la fin d'une journée difficile, à évacuer les obsessions de Matthieu. Avant de se coucher, Matthieu vient avec moi au bureau; nous prenons une feuille et avec des feutres bien colorés, je rédige un petit texte récapitulant les épisodes autistiques de la journée en les dédramatisant. C'est parfois Matthieu lui-même qui me dicte les phrases. Comme il est toujours aussi friand de mots nouveaux, j'essaye d'en introduire pour capter son attention et la focaliser sur quelque chose de positif.

Exemples de textes élaborés pour aider Matthieu à dépasser les évènements d'une journée :

1°) Matthieu joue bien au bowling, mais c'est un petit garçon, alors c'est normal qu'il perde quand il joue contre des adultes (= des grands comme papa et maman). Parfois, il peut quand même gagner ! Matt est TOUJOURS épatant, même quand il perd.
C'était avant-hier; nous avions emmené Matthieu au bowling pour travailler la motricité et il avait perdu, ce qui avait entraîné une crise difficilement gérable. Notons que le bruit n'avait pas semblé l'indisposer mais je crois que cette ambiance ultra-stimulante sur le plan sensoriel l'avait beaucoup fatigué.
Quand j'eus fini de rédiger ce petit texte, Matt m'en a réclamé un sur le golf. J'y ai introduit la notion "d'entraînement " sur laquelle Matthieu s'était braqué quelques heures auparavant :
Matt est un CHAMPION du mini-golf car il s'entraîne beaucoup : au mini-golf du parc, sur la Wii et sur l'ordinateur de mamie. Matt est un petit golfeur. [j'ai barré cette phrase à la demande de Matthieu] Oups ! Matt est un GRAND GOLFEUR !

2°) Une contre-performance : c'est quand on fait moins bien que d'habitude. Cela peut arriver à tout le monde. C'est comme un accident. La fois suivante, on fait mieux !
Ici, Matthieu a adoré le mot "contre-performance". Je lui en ai exliqué le sens; il l'a cherché dans le dictionnaire, ce qui constitue un bon exercice pour l'école. Les jours suivants, il l'a réinvesti. Je me rends bien compte qu'on ne peut pas transformer Matt en bon perdant du jour au lendemain à coup de petits textes comme ceux que j'ai reproduits ci-dessus, mais cela l'aide à ne pas abandonner. Malgré l'échec, il recommence alors que par nature, il opterait plutôt pour l'évitement.

Au total, ces petits trucs marchent bien (on n'en parle plus le lendemain matin, une fois que la nuit a permis de tout décanter) mais le problème, c'est qu'en période de fatigue, une nouvelle obsession en chasse une autre...
La fatigue fragilise beaucoup Matthieu. Il doit se contrôler en permanence et c'est très dur. Dans les témoignages d'autistes que j'ai lus, les auteurs évoquent cette fatigue. C'est logique; en tant qu'épileptique, je connais cela également. Quand je suis malade, quand je reste trop longtemps devant mon écran d'ordinateur, quand je veille trop tard, mes myoclonies réapparaissent malgré le traitement.

A noter : la boîte à autisme -qui relève du même genre de procédé que les petits textes du soir- est transposable partout où nous allons, sous forme de "poubelle avaleuse d'autisme" (la poubelle de nos amis, il y a quinze jours, celle de mes parents cette semaine...). Les poubelles engloutissent des papiers où sont consignés les sujets qui préoccupent Matthieu jusqu'à l'obsession, au point de le pousser au retrait.
Exemple de petit papier : "je n'arrive pas à faire du vélo alors que Louis y arrive". Il y a quinze jours, préoccupé par ce fait, Matthieu s'était recroquevillé dans un fauteuil, les yeux vides. Une fois le petit papier rédigé et englouti par la poubelle, nous avons eu une discussion sur les talents de Matt (il joue du violon et Louis pas...), ce qui l'a remis sur les rails pour le reste de la journée.