14 novembre 2012

Autisme et émotions

Je viens de terminer la lecture de la deuxième édition de l’ouvrage de Peter Vermeulen, Autisme et émotions, paru chez De Boeck en 2011.


La plupart des points développés m’étaient familiers mais j’ai apprécié les exemples concrets exposés (expériences sur la perception des émotions par les bébés ; nombreux petits récits de situations observées par l’auteur) et le caractère didactique du livre qui fait la synthèse de recherches scientifiques pointues (neurobiologie ; théorie de l’Extreme Male Brain…) et propose des argumentations claires pour contribuer à des réflexions complexes (notion de « systématisation » et abord algorithmique des comportements humains, page 132).

L’éclairage nuancé que Peter Vermeulen apporte à la notion-clé de « théorie de l’esprit » est fort intéressant. Son concept de « cécité contextuelle » est très parlant dès lors que l’on veut évoquer le traitement localisé de l’information qu’opèrent les personnes avec autisme. Je n’ai jamais lu de définitions aussi pertinentes de « l’empathie » et de la « sympathie » (« une réaction réflexe » selon lui) que sous sa plume.
De même, il formule très clairement des phénomènes cognitifs que j’observe depuis des années chez Matthieu. Le passage qu’il consacre aux difficultés narratives des personnes avec autisme est d’une grande limpidité. Il explique que « les récits des personnes avec autisme sont souvent des énumérations (hyperdétaillées) de faits et gestes », et que c’est le fait que la « capacité d’examiner au-delà des faits et gestes extérieurs [fasse] défaut » qui entraîne que les récits des personnes avec autisme ont peu de sens. Je n’aurais jamais pensé à corréler défaut de narration et défaut de perception/compréhension des émotions d’autrui… Je n’avais jamais envisagé l’hypothèse que la cohésion d’un récit puisse avant tout reposer sur « le fil conducteur des intentions humaines »…

Quant à la conclusion du dernier chapitre : « Peut-être devrions-nous travailler notre intelligence émotionnelle plutôt que la leur… », cela fait longtemps que j’ai compris qu’il s’agit d’une clé essentielle pour communiquer avec Matthieu… et avec (tous) les autres. En essayant d’aller à la rencontre d’une personne avec autisme, on apprend aussi beaucoup sur soi.