2 janvier 2012

Quel mot choisir ?

Les personnes avec autisme ont des difficultés à transposer ce qu’elles connaissent dans un autre contexte. Comme Matthieu est autiste de haut niveau, cette incapacité n’est pas toujours flagrante car il a suffisamment acquis de souplesse pour pouvoir s’adapter sur le plan spatio-temporel. Dans des champs cognitifs plus fins, en revanche, cette difficulté est perceptible. Quand il acquiert un nouveau mot de vocabulaire ou comprend un nouveau concept, il ne sait pas toujours comment le réinvestir dans un autre contexte.

Ainsi, il est très ennuyé avec tout ce qui touche à « l’erreur ». Il utilise le mot « pardon » de manière théâtrale, en se tordant les mains façon "tragédie grecque", en pleurant presque de contrition dès qu’il fait une petite erreur. Nous avons quotidiennement droit à de poignants « Oh, pardon Miman, pardon ! » ou encore « Pardon, pardon Papa ! » si nous lui faisons remarquer sur le ton de la conversation courante qu’il a pris son stylo vert à la place du rouge par exemple. C’est très gênant pour lui, car s’il fait cela à l’école, le maître risque d’être très surpris. C’est aussi gênant pour nous, ses parents, car s’il fait cela devant un tiers, la personne ne peut que penser que nous sommes très sévères avec lui : sinon, pourquoi se mettrait-il dans un état pareil pour des broutilles ?

Matthieu s’en est rendu compte puisque lui-même nous a dit : « Je ne sais pas quel mot utiliser». A partir de là, il a fallu improviser un « règlement » sous forme de tableau (c’est lui qui a demandé cette présentation) pour l’aider. Nous l'avons rempli ensemble. Même Agathe a mis son grain de sel.


Cela fait une semaine que nous l’avons conçu et les progrès sont déjà énormes : les « oups » remplacent les « pardon » quand Matthieu fait de petites erreurs (qu’il est le plus souvent seul à juger comme telles !). Quand il est tenté de dire pardon, il nous regarde, nous faisons non du doigt et il s'abstient de dire "pardon" à tort et à travers.

Dans le même ordre d’idées, nous devons encore travailler pour faire en sorte que Matthieu comprenne qu’un ordre ou une demande pressante n’est pas une agression. Il se met dans tous ses états si nous lui disons « Range ta chambre ! ». Je me rappelle qu'un jour on m'a conseillé de formuler les choses ainsi : « Tu as le droit de ranger ta chambre ». Mais au quotidien, on n’y pense pas toujours ! Le grand progrès, c’est que Matthieu explique clairement son malaise : « Tu as utilisé la forme impérative, nous dit-il, tu ne dois pas utiliser l’impératif ! » Matthieu, grâce à ses progrès au niveau de la communication -grâce aussi à la leçon sur les types et formes de phrases apprise à l'école !-, nous aide à comprendre son fonctionnement. Ce qui me fascine toujours, c’est que ce qu’il dit correspond à des cas d’école. Sans le savoir, il corrobore par ce genre d’explications (sur les phrases impératives par exemple) ce que je lis dans des ouvrages théoriques sur l’autisme.