La semaine dernière, Arte a diffusé le film de Marc Evans, Snow cake. J'en avais beaucoup entendu parler aussi ai-je été ravie quand Thierry m'a annoncé qu'il passait enfin à la télé.
Que dire sans déflorer complètement ce film magnifique ? Sigourney Weaver y campe une femme autiste dont la fille unique, Vivienne, vient de trouver la mort dans un accident de la route. L'homme (Alan Rickman) qui conduisait la voiture dans laquelle Vivienne avait pris place, est un solitaire. Les drames de la vie en ont fait un être qui semble décalé comme l'est Sigourney Weaver mais pour d'autres raisons, puisque son décalage à elle est inné et provient de l'autisme. Malgré tout, elle a une maison et jouit d'une autonomie dont l'homme a longtemps été privé puisqu'il sort de prison. Une femme autiste qui perd son enfant, un homme malmené par la vie... Il y a de quoi sombrer dans le mélodrame mais je ne trouve pas que le réalisateur ou ses excellents acteurs soient tombés dans le piège, au contraire. Quand on connaît l'autisme, on se rend compte que tout sonne juste. Les défauts de modulation sensorielle des autistes sont particulièrement bien traités. J'ai lu quelques commentaires d'internautes à propos du film : le mot "étrange" y revient très souvent. Ce qui est étranger est étrange. Pour Thierry et moi, qui sommes familiers de l'autisme, tout ce que montre le réalisateur coule de source. Thierry n'arrêtait pas de prédire : maintenant elle va faire cela, elle va dire ceci, elle va réagir comme cela... Et il avait toujours raison, bien sûr. Une réplique, en particulier, m'a semblé ne pouvoir être réellement comprise que par des "initiés". Comme on lui dit "qu'elle a perdu sa fille", Sigourney Weaver répond sans laisser transparaître de sentiments : "je ne l'ai pas perdue, elle est morte". Pour elle, on ne perd pas une personne mais un objet. Dans sa logique autistique, le mot "mort", avec toute sa crudité -qui peut paraître choquante-, est plus approprié. Toute personne qui ne connaît pas l'autisme pourrait penser que Sigourney Weaver est dépourvue d'émotion quand elle dit cela ; c'est évidemment faux... Le réalisateur le sait et ceux qui connaissent l'autisme aussi.
Pour ma part, le seul passage qui m'ait fait pleurer est celui où les parents de S. W. se composent pudiquement l'attitude parfaite pour aborder leur fille si différente en ces moments si douloureux. Je crois que je me suis identifiée à eux (ils ont pourtant au moins 75 ans!), à leur tendresse si pleine de retenue.
Sur le plan sensoriel, Matthieu a déjà dépassé bien des stades décrits dans le film. Nous avons aussi réussi, quand il était petit, à juguler ce fâcheux penchant à la maniaquerie de beaucoup de personnes avec autisme, un penchant bien montré dans le film.
Comme je demandais à Thierry ce qu'il écrirait sur le film s'il rédigeait cet article, il m'a répondu :
"A quelqu'un qui me dirait : "- Ca y est, j'ai compris ce qu'est l'autisme : j'ai vu Rain Man", je répondrais : - Ça m'étonnerait. Regarde plutôt Snow cake."