21 novembre 2010

Des âges et de la Vérité








Un trait de caractère des autistes bien connu est leur incapacité à mentir et à comprendre que d'autres puissent dissimuler la vérité (on peut d'ailleurs mettre cette caractéristique en relation avec leur incapacité à accéder au second degré).
J'ai souvent lu ou entendu des témoignages d'autistes de haut niveau ou d'Asperger à ce sujet. Ils expliquent très bien à quel point ce rapport à la vérité peut confiner à la naïveté et être socialement handicapant.

J'ai toujours remarqué que Matthieu avait la Vérité chevillée au corps. Je n'ai jamais vraiment pu considérer cela comme un défaut car je déteste moi-même l'hypocrisie et la mauvaise foi. Je dois donc sans cesse me faire violence pour ne pas dire aux autres ce que j'ai sur le coeur quand quelque chose me déplaît et il faut bien avouer que je n'y arrive pas assez souvent, ce qui me joue parfois de vilains tours en société. Bref : Matthieu est comme moi en mille fois pire !
Dans mon article précédent, j'ai mentionné que les classements par âge étaient l'une de ses marottes du moment. Il apprend la date de naissance de toutes les personnes qui veulent bien la lui indiquer... et il fait des listes (du plus vieux au plus jeune).
Vendredi matin, j'ai dû lui expliquer dans la douleur qu'il ne pouvait pas faire les commentaires qu'il voulait à ce sujet en public.
Nous partions à l'école quand nous nous sommes avisés que la voiture qui nous suivait était celle de son meilleur copain. Le papa de ce dernier est beaucoup plus âgé que Thierry et moi. Alors Matthieu a dit : "Oh ! Voilà le vieux papa de ...." "Il a déjà ....et demi !" J'ai répondu : "J'espère que tu ne dis pas cela à ton copain ?" "Mais pourquoi, maman, c'est vrai ?"
Une longue discussion a alors débuté : personne n'aimait qu'on lui fasse remarquer son âge. Cela pouvait même faire de la peine. De la peine, c'était Matthieu qui en avait. Il pleurait, pleurait, pleurait encore... car il craignait d'être un "malpoli". Mon pauvre poussin ! Lui qui est si gentil ! J'ai expérimenté à quel point il était difficile de lui faire comprendre des codes sociaux un peu subtiles. Heureusement que son AVS a pris le relais à notre arrivée à l'école pour le consoler.
Le soir, Matthieu semblait aller mieux. Il a compris comment il fallait agir par rapport au papa de son copain mais est-il capable de généraliser cela ? Rien n'est moins sûr. Ce qui est certain, en revanche, c'est qu'il n'est pas au bout de ses peines et nous non plus car la société est faite de pièges qu'il ne saura jamais spontanément déminer.

Puisque je viens d'écrire sur l'intérêt que Matthieu porte aux âges et à la fuite du temps en général, je vais aussi rapporter ici un bizarre petit dialogue que nous avons eu ce matin et qui prouve qu'en la matière, Matthieu a un raisonnement très spécial..
"Matt : - J'ai compté : Mémère, elle va encore vivre 10 ans !
Moi : -C'est impossible à savoir, Poupou ! Personne ne peut prédire la date de mort de personne"
Matt : - Mais moi, je l'ai calculé !
Moi : - Comment ?
Matt : -Je ne sais pas."
Comme il était au bord des larmes j'ai stoppé là notre petit échange mais je sais que tôt ou tard il faudra y revenir.