18 octobre 2010

Un peu d'indulgence pour les enseignants !

Ceux qui suivent un peu le parcours de Matthieu à travers ce blog auront compris que je suis enseignante (prof d'histoire-géo en lycée plus exactement) et que j'ai passé un examen de spécialisation (le 2 CA-SH) m'ayant apporté une légitimité institutionnelle pour former les enseignants de mon académie à la prise en charge des élèves avec autisme. Cette spécialisation m'a également permis d'être bien informée sur la dyslexie et d'intégrer un groupe de recherche et formation (GRF) académique sur la dyslexie qui devrait débuter vendredi.

Tout cela fait de moi la "personne ressource" de mon lycée concernant les élèves en situation de handicap en général, et ceux souffrant de dyslexie en particulier. Plus d'un tiers de mes collègues s'est formé à la dyslexie pour accueillir correctement les élèves DYS (certains diront que c'est trop peu mais en l'état actuel des moyens proposés par l'institution, c'est déjà beaucoup). Nous passons notre temps à nous envoyer des mails, à discuter de tel ou tel élève DYS en difficultés. Et comment sommes-nous récompensés ? Par des parents qui nous critiquent, qui s'insurgent, qui trouvent que nous n'en faisons pas assez ! J'ai récupéré une de mes collègues les plus investies (je pèse mes mots : je n'ai jamais vu une prof aussi dévouée à ses élèves) au bord des larmes, jeudi soir, tant une maman s'était montrée ingrate envers elle. J'ai appellé ladite maman durant précisément 1 h 42 le soir-même pour rediscuter des adaptations à apporter pour soutenir son fils qui cumule 4 dys. Ces 1 h 42 minutes, j'aurais pu les passer avec Matthieu et Agathe; j'aurais pu aussi m'avancer dans mes cours au lieu de devoir travailler le soir (car oui, les profs travaillent). Je n'ai pas été rémunérée pour ce temps passé à envisager l'avenir de mon élève, comme je ne le suis pas quand je passe deux heures à taper mon cours pour un autre élève DYS qui peine à suivre en lycée général... Mais cela, les parents s'en fichent ! Le papa a saisi la première occasion samedi matin pour se plaindre de "cette prof qui dérangeait sa famille le soir au téléphone"...
Evidemment, je sais que certains profs ne font effectivement pas beaucoup (voire pas du tout) d'efforts pour intégrer les élèves en situation de handicap -il y en a un en particulier, dans mon établissement, avec lequel je pourrais m'attraper tous les jours ou presque à ce sujet tant il peut se montrer intolérant et borné.
Evidemment, je sais aussi, à l'inverse, qu'il y a beaucoup de parents bienveillants et heureux de la prise en charge de leurs enfants. Je ne voudrais surtout pas tomber dans la caricature comme le font justement ceux qui mettent tous les enseignants dans le même panier.

Je crois qu'il ne nous faut pas oublier que la loi de 2005 est encore récente. Nous n'avons aucun recul sur les perspectives d'orientation qui s'ouvriront sur le long terme pour nos enfants en situation de handicap. J'ai bien peur que cette loi -si formidable pour nous, parents d'enfants en situation de handicap- ne fasse parfois miroiter l'impossible... Au milieu de tout cela, les enseignants se débattent avec leur bonne volonté (oui, ils en ont!!), leur peu de formation (mais les formations arrivent et les enseignants en place ne doivent pas payer pour l'incompétence de ceux qui les ont précédés et qui, hélas, n'étaient pas formés) et leurs 35 élèves par classe (des classes très, très hétérogènes !).

Hier soir, quand j'ai dû lire avec mon Matthieu hypersensible La petite fille aux allumettes que la maîtresse lui avait attribué pour le rallye lecture, j'ai pesté : quelle drôle d'idée (j'ai même succombé à la tentation de l'écrire à l'AVS de Matt) !! Mais je ne dois jamais oublier les efforts que la maîtresse fait pour intégrer mon Matt au jour le jour. Je refuse de faire partie de ces mères vindicatives pour qui tout est de la faute de l'école. Ma collègue d'anglais, si affectée par la rencontre avec le papa de notre élève DYS samedi n'arrêtait pas de me dire : "J'essaye de me mettre à leur place. Ces gens ont peur pour leur fils, ils souffrent, il faut les comprendre". N'est-ce pas empathique que de raisonner ainsi ? Moi, je connais cette douleur de mère d'un enfant en situation de handicap de l'intérieur, je la vis chaque jour et pourtant, je me sentais moins indulgente qu'elle ! Moi aussi, comme maman, je suis parfois tentée de tout mettre sur le dos de l'autisme et des adaptations qui existent (ou pas). Mais j'essaye de me rappeler que même un enfant "neurotypique" n'a pas que des 20 en classe ! Que même un enfant neurotypique n'est pas programmé pour aller tout droit en classe prépa (le fameux papa nous a accusés de vouloir empêcher son fils d'y aller)! Il faut savoir discerner où s'arrêtent les difficultés liées au handicap et où commencent celles qui pourraient être celles de chacun.

Entre le moment où j'ai commencé la rédaction de ce message et maintenant, je viens de recevoir un mail qui ne fait que me conforter dans mon "coup de gueule". Le fameux GRF sur la dyslexie auquel je dois participer est en suspens : le Rectorat n'aurait pas assez de "moyens" financiers pour le faire fonctionner (nous n'aurions tout de manière pas été beaucoup payés). Les responsables du GRF font l'impossible pour maintenir ce projet. C'est ce genre de projets que l'Etat fait miroiter aux familles sans dire qu'au bout du compte l'Institution ne débloquera pas l'argent pour les mettre concrètement en oeuvre. Alors, qui ne fait pas son boulot : les profs ou ceux qui font des promesses aux familles et devraient soutenir leurs enseignants quand ils sont de bonne volonté ?!

Ouf ! J'ai dit ce que j'avais sur le coeur : cela fait du bien !