Quand j'ai compris que Matthieu était autiste, j'ai paré au plus pressé : il fallait agir, vite, en le stimulant. Puis est venu le temps des questions : quelles étaient les origines de l'autisme en général, de l'autisme de Matthieu en particulier ? Maintenant, je commence à avoir pas mal de recul et je suis curieuse de savoir pourquoi ce qui a fonctionné avec Matthieu a été si efficace. En comprenant ces mécanismes, je saurai peut-être mieux expliquer à d'autres quels leviers actionner pour aider leurs enfants avec autisme (ou leurs élèves autistes puisque je suis enseignante). A Suresnes, j'ai pu entendre des exposés extrêmement pointus qui m'ont donné accès à l'explication d'éléments que j'avais observés chez Matthieu.
J'ai beaucoup appris de la neuropédiatre Eva Touaty. Sans le savoir, bien sûr, ce médecin passionné m'a fait prendre conscience du fait que, sur le plan neurologique, nous n'avons jamais été adressés aux bonnes équipes pour comprendre le fonctionnement de Matthieu. Quand je repense à mon livre, où je m'évertue à démontrer, avec mes pauvres moyens, que l'autisme de Matthieu a des origines neurologiques, que j'en suis sûre parce que je suis épileptique et que je sens une parenté entre ses problèmes et les miens, je me trouve presque pathétique ! Ces questions neurologiques ont été fermement établies par des spécialistes. Je le sais depuis longtemps maintenant, mais au cours de l'exposé du docteur Touaty, j'ai beaucoup repensé aux médecins que nous avons rencontrés (ou pas!) avec Matthieu...
Je vais maintenant passer en revue les points des explications d'Eva Touaty qui m'ont particulièrement fait penser à Matthieu :
1°) Elle a rapidement évoqué les causes neurologiques du caractère hypersensitif des autistes au niveau du toucher, en précisant que les extrémités, surtout, étaient concernées. C'est peut-être ce qui explique que, quand il était petit, Matthieu ait été si atrocement gêné par le contact de l'eau de pluie sur ses mains, alors que l'eau de la douche sur son corps ne semblait pas le déranger. Dans mon livre, je raconte la terrible détresse qui s'emparait de Matthieu quand il pleuvait et comment, dans ces moments-là, il tirait sur sa peau, comme pour l'arracher.
2°) Elle nous a parlé d'un sixième sens, "vestibulaire", impliqué dans le repérage spatial et dans l'équilibre. Ainsi que je l'avais déjà lu chez Juhel (cf. article ultérieur), ce "sens" fonctionne souvent différemment chez les autistes. Le docteur Touaty a pris un exemple qui correspond tout à fait à Matthieu : il se peut qu'un enfant ayant une atteinte vestibulaire puisse envoyer un ballon mais pas le recevoir. Par ailleurs, les enfants qui ont un problème vestibulaire aiment particulièrement se balancer, ce qui est souvent le cas des autistes.
3°) Ses explications sur les 5 compétences visuelles (VOCIS) m'ont passionnée. Pour décoder les Visages, les Objets en 3 dimensions, les Couleurs, les Images en deux dimensions, les Signes abstraits, lettres et chiffres, le cerveau utilise cinq réseaux différents. Si l'un ou l'autre de ces réseaux ne fonctionne pas, cela peut provoquer des situations en apparence surréalistes ! Elle a pris l'exemple d'un enfant qui dira "tigre" pour nommer un "parasol" car il ne voit que les rayures ! Chez les autistes, il arrive souvent que les objets soient reconnus mais pas les visages. Serait-ce l'explication de cette incapacité qu'avait Matthieu à me reconnaître sur les photos quand il était petit (j'en ai beaucoup souffert) ?
De même, si l'on montre un gros ballon rouge, par exemple, à quelqu'un qui ne peut reconnaître un objet en trois dimensions, il s'en détourne puisqu'il ne le reconnaît pas (il ne voit donc pas ce qu'il faut en faire) ! Ce "désintérêt" apparent est fréquent chez les personnes avec autisme.
4°) Le docteur nous a rapidement expliqué que la mélodie de la parole, la musicalité, n'était pas traitée dans la même partie du cerveau que les syllabes, par exemple.
D'où ma question : est-ce parce qu'en chantant beaucoup, nous avons sollicité une partie du cerveau de Matthieu qui fonctionnait plutôt mieux que son cerveau gauche, que nous l'avons aidé à accéder au langage verbal ? Je n'ai hélas pas pu poser la question à Eva Touaty. Mais elle a mentionné l'approche par "mélodithérapie" d'un orthophoniste, monsieur Van Eeckhout, aux travaux desquels j'aimerais avoir le temps de m'intéresser.
5°)J'ai enfin été interpelée par ceci : les sons simples ne sont pas traités dans la même partie du cerveau que les voix, qui le sont dans l'aire du langage du cerveau. Chez l'enfant autiste, cette différenciation ne se ferait pas, ce qui expliquerait qu'un enfant autiste réagisse quand il entend une moto mais pas quand il entend une voix, qu'il ne reconnaît pas comme étant du langage. C'est tout à fait le genre de comportement qu'avait Matthieu. C'est cette contradiction apparente qui fait que l'on croit d'abord que les autistes sont sourds.
J'espère n'avoir rien déformé. Toute erreur figurant dans ses lignes serait entièrement imputable à un défaut dans ma prise de notes..
Je concluerai en rappelant, à la suite du docteur Touaty, qu'on peut créer de nouvelles connections à tout âge, ce qui explique que Matthieu ait tant progressé et semble avoir dépassé certains des signes décrits ci-dessus, qui étaient pourtant très prégnants, chez lui comme chez tous les autistes, quand il était petit. J'ai l'impression que le docteur Touaty croit beaucoup en l'orthophonie. Comme je lui disais que la Wii faisait beaucoup progresser Matthieu (nous avons discuté d'une éventuelle dyspraxie), elle m'a dit penser beaucoup de bien de cet outil. Autant dire que je suis à présent totalement décomplexée quant à l'usage de la Wii par Matthieu. J'écrirai un message ultérieurement pour présenter ses jeux favoris du moment.