25 décembre 2009

D'Itard à François Truffaut : l'Enfant Sauvage.



Que ce soit au gré de mes lectures sur l'autisme ou à l'occasion de mes différentes formations, j'ai souvent entendu parler du fameux enfant sauvage, trouvé dans l'Aveyron à la toute fin du XVIIIème siècle et recueilli par le docteur Itard, comme du premier cas clinique d'autisme décrit avec précision. Cette interprétation du témoignage d'Itard n'est pourtant pas admise par tous tant il peut paraître évident que c'est l'abandon dont Victor a été victime qui explique son comportement complètement inapproprié à la société des hommes. Ainsi, dans la bouleversante adaptation cinématographique qu'il a faite de l'histoire de l'enfant sauvage en 1969, François Truffaut introduit le dialogue suivant :
" [Docteur Itard] - Pour moi, ce n'est pas un idiot. C'est seulement un enfant qui a eu l'infortune de passer 6, 7, peut-être 8 ans dans la forêt, dans une solitude et un isolement absolus.
[Professeur Pinel] - En somme, moi je pense que cet enfant a été abandonné et probablement égorgé par ses parents parce qu'il était anormal. Vous, vous pensez qu'il est devenu anormal à cause de son isolement."
Je n'ai pas encore lu l'ouvrage d'Itard mais ce que le film de Truffaut montre, c'est un enfant qui aime se balancer, dont les sens sont exacerbés et qui éprouve les difficultés de communication typiques de l'autisme. Quand nous avons regardé le film tous les deux, Thierry, avec ses yeux de papa d'un enfant autiste, anticipait tout ce que Victor allait faire. Nous étions capables d'entrer dans sa logique et de comprendre ses réactions. Pour nous, cela ne fait aucun doute, Truffaut a filmé la stimulation d'un enfant autiste. A la lumière du film, voici donc ce que moi, je pense du cas de Victor : le professeur Pinel a raison dans le sens où Victor a vraisemblablement été abandonné à cause de son handicap. Et ce dernier s'est aggravé à cause de l'isolement dans lequel l'enfant s'est retrouvé. Itard a quant à lui raison d'affirmer que Victor n'est pas un "idiot". S'il se trompe sur les causes profondes du mal, il a raison de croire en l'éducabilité de cet enfant.

Pour le reste, j'attends avec impatience de pouvoir lire en détail le récit d'Itard. Mais si l'adaptation de Truffaut est fidèle, elle montre qu'Itard a mis au point une méthode de stimulation éducative qui pourrait presqu'être considérée comme l'ancêtre d'ABA ! L'éducation de Victor est intensive, parfaitement adaptée à lui et à la nécessité de rendre son comportement approprié à la vie en société ; il y a même un renforçateur : le verre d'eau... Thierry et moi avons été émus par la finesse avec laquelle, dans le film, Itard et sa gouvernante comprennent qu'ils doivent toujours s'appuyer sur les compétences et les goûts de leur jeune protégé pour le faire progresser.

Avant de rédiger ce message, j'ai fait une recherche sur le net pour voir ce que d'autres avaient pu écrire sur le film ou sur le livre. Je suis tombée sur un site de "philosophie" où l'on dissertait sur la conscience. Itard aurait permis "de faire émerger la conscience de Victor!" Comme s'il n'avait pas de conscience avant d'être éduqué! Je ne suis absolument pas d'accord avec cela. Mais la définition philosophique de la "conscience" est peut-être trop subtile pour moi...