Dans un de mes précédents messages, j'écrivais que, pour moi, il était évident que l'autisme gravitait quelque part dans la constellation des "dys". Il se trouve que les enfants à haut potentiel intellectuel (aussi dits "précoces") peuvent également être rattachés à cette constellation.
Aujourd'hui, j'ai eu la chance d'assister à une formation sur le "fonctionnement cognitif et psychologique des EHPI (élèves à haut potentiel intellectuel)" donnée par Nathalie Gavens, maître de conférence. A part pour mentionner que l'étude des enfants autistes avait permis de mieux comprendre l'intelligence musicale souvent bien développée chez les EHPI, la conférencière n'a pas fait de rapprochement particulier entre autisme et haut potentiel intellectuel. De fait, le profil cognitif des EHPI est à l'opposé de celui des enfants autistes : ils ont une approche très globale des choses là où les autistes ont une vision séquentielle et morcelée; ils sont à l'aise dans l'expression verbale qui fait si cruellement défaut aux jeunes autistes; ils peuvent faire preuve d'une grande souplesse de pensée et d'une grande créativité quand il s'agit de résoudre un problème alors que les autistes se caractérisent plutôt par une certaine rigidité; ils ont souvent une intelligence interpersonnelle très développée alors que l'empathie n'est pas quelque chose d'évident pour les autistes...
Il y a toutefois quelques traits communs entre ces enfants qui m'ont frappée. Dans les deux cas, en effet, on a affaire à des enfants hypersensibles sur le plan affectif (des "éponges") et sur le plan sensoriel (leurs sens sont hyperdéveloppés ce qui peut les parasiter): une collègue de lettres, précoce et maman d'une petite fille à haut potentiel, nous a fait part de son expérience et de ses connaissances à ce sujet. Les enfants à haut potentiel sont capables d'emmagasiner des connaissances encyclopédiques comme les autistes de haut niveau. Dans les deux cas, on a des enfants qui sont mal à l'aise avec leur corps. Comme les autistes -et tous les enfants mais à un degré moindre-, les EHPI ont besoin d'être rassurés et valorisés en permanence.
Les EHPI sont atteints de dyssynchronies (surmaturité d'un côté/immaturité de l'autre) multiples : décalage entre leur intelligence et leur psychomotricté, décalage entre les différents domaines de leur développement intellectuel, décalage entre leur intelligence et leur immaturité affective. Le décalage est aussi social, avec l'école, avec leurs pairs, voire leurs parents, partagés entre émerveillement et destabilisation. Ces trois derniers points, que l'on pourrait regrouper sous l'appellation de "dyssynchronie sociale", n'ont rien à voir avec l'autisme quant à leurs causes, mais peuvent s'en rapprocher quant à leurs effets (solitude, anxiété). Dyssynchronie... Le mot me fait irrémédiablement songer, bien sûr, à cette fameuse "dysharmonie évolutive" dont m'avait parlé l'orthophoniste de Matthieu. Dans les deux cas, le "dys" de cette fascinante galaxie constituée d'individus au fonctionnement original est bien là.
Au final, enfants précoces et enfants autistes ont en commun un fonctionnement cérébral et psychoaffectif atypique, quelle qu'en soit la modalité exacte -différente, c'est évident. L'autisme ne doit plus être considéré avant tout comme une maladie mentale mais bien comme une sorte de super "dys" ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de l'écrire.
Sur le plan des adaptations scolaires, il en va de la précocité comme de l'autisme de haut niveau ou de la dyslexie : il faut que l'enseignant s'efforce de comprendre le mode de fonctionnement des élèves "extraordinaires" qui en sont atteints, qu'il accepte l'idée de cette différence, qu'il en tienne compte dans sa pratique pédagogique tout en accompagnant les élèves pour, en s'appuyant sur leurs caractéristiques, leurs centres d'intérêts et leurs compétences particulières, les aider à s'adapter à un système non conçu pour leurs formes si originales d'intelligence.