10 mai 2009

Une nouvelle "phase de turbulences", de nouveaux combats en perspective...

Il y a quelques temps, j'ai été amenée à lire des extraits de l'ouvrage de Charles GARDOU, Fragments sur le handicap et la vulnérabilité. Pour une révolution de la pensée et de l'action (Erès, 2005). La réflexion qu'il mène sur "l'inclusion scolaire des enfants et adolescents en situation de handicap" est fort intéressante. Charles Gardou fait le constat suivant :
" L'école maternelle, espace privilégié de socialisation encore préservé de la dictature des programmes, assume globalement bien son rôle inclusif. C'est le seuil de l'école primaire qui inaugure une première phase de turbulences : l'enfant s'y trouve en danger d'exclusion, ses investissements antérieurs et ses espoirs souvent s'y anéantissent."
Alors que l'année de CP de Matthieu s'achève, je suis hélas contrainte de reconnaître la justesse de cette analyse. Malgré son intelligence et ses incroyables progrès, il est rattrapé par sa lenteur et par ses angoisses sclérosantes, ce qui pourrait finir par le faire décrocher. La bizarrerie persistante de son maintien, ses difficultés pour s'exprimer semblent être un frein à de nouvelles rencontres. Même ses copains apprécient moins d'être avec lui, ce qui me fend le coeur ("Fous le camp !" lui a dit son meilleur ami mardi). Bref, sans nos jeux, Matthieu ne parlerait pas, ne communiquerait pas; il ne serait jamais allé à l'école. Il serait définitivement hors d'atteinte.
Mais nous voulons plus ! Il doit rester à l'école et pour cela, il faut l'aider à s'affirmer, à se défendre, à aller plus encore vers les autres, à se débarrasser de toutes ses angoisses corporelles si envahissantes; il faut l'aider à enchaîner les actions et à "laisser couler les mots", ainsi que je le lui dis souvent.

Matt a une nouvelle pédopsychiatre qui a l'air très compétente et qui a immédiatement cerné ses difficultés. Elle préconise que Matthieu fréquente un groupe thérapeutique en hôpital de jour le mercredi (il fréquenterait absolument normalement le CE1 les autres jours). Cela a été dur à entendre, à admettre, à accepter... J'ai vécu cette prescription comme une régression. Peut-être aussi comme une agression. Mais, ainsi que je le dis dans mon livre, je pense qu'il ne faut pas diaboliser la psychiatrie. Ces groupes ont une approche ludique, "sur-mesure". Théoriquement, Matt devrait y apprendre à gérer les autres et ses peurs. Nous allons donc essayer car s'il ne franchit pas cette nouvelle "turbulence" dans son développement, il ne sera jamais épanoui et correctement socialisé. De toute façon, si cela ne lui (et nous) convient pas, nous interromprons la prise en charge.
Je suis en train de lire un ouvrage qui m'a beaucoup aidée à accepter cette nouvelle étape : Comment aider l'enfant autiste. Approche psychothérapique et éducative de Marie-Dominique AMY (Dunod, 2004). Cette psychologue y présente son travail avec François qui, à bien des égards, me fait penser à Matthieu (ex: "il était incapable de se défendre"; "sa pensée très obsessionnelle et très coq à l'âne", "sa démarche qui semblait le propulser davantage vers l'arrière que vers l'avant tant elle pouvait être hésitante et inquiète"). Elle l'a suivi pendant 12 ans. Entre autres choses, elle a beaucoup joué avec lui. Une fois qu'il est devenu adolescent (et scolarisé au collège), elle lui a proposé un "groupe d'expression théâtrale thérapeutique". Cela a l'air bien.

J'aime bien le discours et les analyses de cette psychologue. On sent qu'elle a une grande expérience de l'autisme. Elle formule bien les choses : "la crainte de l'anéantissement maintient les enfants autistes dans un espace entre vie et mort, c'est sans doute ce qui les rend tellement déroutants". J'ai trouvé sous sa plume des explications intéressantes à des comportements de Matt qui m'intriguaient car ils étaient paradoxaux. Je suis par exemple toujours surprise de voir combien Matt lit de manière expressive et fluide alors qu'il a tant de mal à parler. J'ai remarqué la même chose chez un jeune autiste de l'UPI dans laquelle j'interviens le mardi après-midi. M-D Amy réfléchit à ce type de paradoxe à la fin de son livre (pages 174-175). Elle évoque aussi la question des enchaînements et de la causalité qui me paraît si centrale (page 173).
Je ne peux enfin qu'être d'accord avec cette affirmation : "Il ne fait aucun doute pour moi que les troubles cognitifs et psychiques sont en interface".
Bref : j'ai commencé à lire ce livre par la fin et je vais m'empresser d'en lire le début.