Au début de mon témoignage, j'évoque le fait que Matthieu, lorsqu'il était tout petit, devait être réveillé pour être nourri.
Il y a autre chose que j'aurais pu mentionner; je le médite beaucoup depuis quelques temps déjà. J'avais eu le droit d'allaiter Matthieu (mon gynéco d'alors pensait que, comme Matthieu avait été au contact du valproate pendant ma grossesse, il était habitué à la molécule). Or, Matthieu n'a jamais réussi à trouver mon sein spontanément. Les sage-femmes et puéricultrices ont toutes tenté de me le mettre au sein : sans succès. J'en avais conçu un grand désarroi car j'étais persuadée que c'était moi et moi seule qui m'y prenais mal. J'étais très déçue car je voulais vraiment l'allaiter. Comme Matthieu ne cherchait pas mon sein, j'ai tiré mon lait.
Se peut-il que cette incapacité à prendre mon sein manifestée par Matthieu ait été liée à l'autisme ?
Je viens de commencer la lecture de l'Ensorcellement du monde de Boris Cyrulnik (Odile Jacob, 1997). Une phrase en particulier a attiré mon attention : "Le contact des yeux aurait pour fonction d'harmoniser les comportements de la tétée". Or Matthieu ne me regardait pas vraiment dans les yeux. Encore aujourd'hui, alors qu'il a tellement progressé, c'est difficile pour lui. Ces deux manques (pas de contact visuel, pas de tétée),que j'ai si douloureusement ressentis, auraient donc été liés ?
Une autre phrase m'a également interpellée : "Le premier ensorcellement exige un corps de mère et un système nerveux de nourrisson sensibilisé à un manque". L'état d'esprit de la maman est primordial, évidemment, pour créer un environnement riche et sécurisant à un nouveau-né, mais j'aime l'idée que l'on reconnaisse qu'il peut aussi y avoir une origine plus structurelle, physiologique, organique, à la laborieuse naissance de certains "contacts"(l'allaitement dans le cas présent). Et cela, hélas, malgré tout l'amour et toute l'envie que l'on peut attacher au tissage de ces liens...
Cette lecture n'a fait que conforter mon opinion : l'autisme est une maladie neurologique qui peut entraver ce que Cyrulnik appelle l'"ensorcellement".