19 décembre 2013

Séraphin Verre

Pendant ma grossesse, j’ai eu le temps de me plonger dans la lecture d’un roman que j’avais repéré depuis un moment déjà : Séraphin Verre, de Christian Pernath (Albin Michel, 2002).

Le mot « autisme » n’apparaît  jamais dans cet ouvrage, ce qui est logique puisque l’essentiel de l’action se passe durant  la première guerre mondiale, à une époque où le terme « autiste » n’est pas encore utilisé pour désigner ces enfants atypiques qui ont si longtemps fait figure d’idiots  du village. C’est pourtant un enfant autiste qui est décrit avec poésie mais justesse, tendresse et sans misérabilisme dans ce très beau roman.
La simplicité de la vie rurale de la fin de la Belle époque décrite au début du livre fait écho au caractère « simplet » de la mère de « Zéravin », comme elle aime appeler ce fils que sa famille s’obstine à vouloir baptiser Gustave. Séraphin grandit, étrange, muet, ni spécialement choyé, ni rejeté, non plus… Sur sa route, il trouve toujours de « braves gens », prêts à l’aider et même à l’aimer malgré la bizarrerie de son comportement. La figure d’Ernest, un vieux maître verrier qui le prend sous son aile pendant la Grande Guerre, est particulièrement attachante. Lui comprend bien que le monde étrange de Séraphin est finalement plus « normal » que la réalité lunaire qui entoure son village réquisitionné par l’armée allemande et sa terre pilonnée par les tirs d’artillerie. Une belle amitié, toute en pudeur,  se tisse entre le vieil Ernest et un officier allemand qui, lui aussi, au milieu de ce monde devenu fou, prend Séraphin tel qu’il est et non tel qu’on voudrait qu’il soit.  

Le monde de la verrerie, avec le rougeoiement  et la chaleur de ses feux, le grain de son sable, la transparence de son verre, les couleurs de ses pâtes… est le théâtre de nombreuses explorations sensorielles pour Séraphin, des expérimentations plus ou moins agréables où son « hyper ou hypo-sensorialité » est mise en avant pour le lecteur avisé qui connaît l’autisme.

Si l’on ajoute à tout cela le fait qu’il est fort bien écrit, ce roman historique mettant en scène un enfant autiste devait nécessairement plaire à la prof d’histoire reconvertie en enseignante spécialisée que je suis.