Matthieu a franchi un pas immense aujourd'hui.
Il a toujours manifesté des signes d'angoisse lorsqu'il lui arrivait de rencontrer l'une de ses connaissances en dehors du lieu où il la côtoyait habituellement. Ainsi, durant toute l'année scolaire, il s'est caché derrière moi quand il rencontrait sa maîtresse à la danse. Il savait pourtant que sa fille assistait au cours de danse classique qui suivait celui d'Agathe et que, par conséquent, il était susceptible de la croiser tous les lundis soirs à la MJC; mais cela restait dur pour lui. Le pire, c'était au supermarché; il y allait en craignant de voir apparaître au détour d'un rayon sa maîtresse, un copain, son correspondant, un enfant du centre de loisir... Thierry et moi nous sommes donc attaqué au problème. Depuis deux mois, j'étais sans cesse à l'affût dans les allées du super U afin d'anticiper (et provoquer) la rencontre de Matthieu avec des personnes connues que je l'obligeais en douceur à aller saluer.
Matthieu posait sans cesse des questions du type : "pourquoi je n'aime pas rencontrer au super U des gens que je connais ?", "pourquoi je suis timide ?" Nous avons beaucoup parlé.
Jeudi, ce problème a atteint son paroxysme : Matthieu a pleuré en voyant son AVS à la pharmacie. Nous l'avons consolé en nous demandant s'il n'en rajoutait pas un peu car il nous paraissait avoir progressé depuis quelques temps. Nous avons repris nos explications ("tu sais, Isabelle aussi mange et donc elle doit faire des courses. Comme elle habite dans notre vallée, elle va dans les mêmes magasins", etc...), des explications relevant du plus élémentaire bon sens.
Et c'est passé ! Ce fut comme si les pleurs de jeudi avaient été le bouquet final de son angoisse. Aujourd'hui il a croisé son futur maître, une voisine, notre médecin... sans broncher. Il a salué tout le monde. Il n'a pas manifesté de surprise particulière quand sa maîtresse est venue chercher sa fille qui était invitée à un même goûter d'anniversaire que lui. La maîtresse a d'ailleurs été si agréablement surprise qu'elle a dit sa satisfaction à Thierry.
J'avais décerné à Matthieu le diplôme du "garçon qui n'a pas peur de rencontrer les gens qu'il connaît dans un endroit inhabituel" quelques heures plus tôt. Il avait été si fier qu'il s'était dessiné une médaille d'or qu'il avait scotchée sur son t-shirt.
Je viens d'interrompre ce message pour coucher les enfants. Après lui avoir dit ses mots doux, j'ai de nouveau félicité Matthieu pour ses progrès et spontanément il m'a confié : "Quand j'ai vu qu'H. était à l'anniversaire, j'ai bien pensé que ma maîtresse viendrait la chercher et que peut-être j'allais la voir. J'avais raison." Bref, il a été capable d'anticiper seul un évènement potentiellement angoissant ! C'est super !