Aujourd'hui, j'ai été contactée par une maman (Marie-France) qui a remarqué que je faisais régulièrement allusion aux "dys" (dyslexie, dysgraphie, dyspraxie, dysorthographie, dysphasie...) dans mes messages. Elle m'a demandé d'apporter des précisions sur le lien que j'établis entre autisme et dys. A ce sujet, j'ai déjà écrit un article assez long reprenant la classification des troubles de la communication par l'Institut Pasteur, en décembre dernier.
Sur ce point, comme sur beaucoup d'autres exposés dans mon livre ou sur ce blog, j'ai acquis quelques convictions toutes personnelles à partir de mon observation de Matthieu, de celle de certains de mes élèves et de remarques entendues de ci et de là.
Je n'ai pas encore eu le temps d'approfondir la question par la lecture d'ouvrages ou d'articles scientifiques, aussi tout ce que j'écris ici doit-il être pris simplement pour ce que c'est, à savoir des impressions personnelles, des "idées en vrac"...
Une de mes amies a un enfant dysphasique qui, dans sa tournure d'esprit, au niveau de ses angoisses, aussi, me fait beaucoup penser à Matthieu. Du reste, certains autistes n'arrivent jamais à communiquer par la parole; pour ceux qui y parviennent, cela reste toujours difficile. J'avais l'an passé un élève atteint du syndrome d'Asperger qui s'exprimait de manière monocorde, légèrement hachée; on sentait bien qu'aucun processus "psychologique" ne pouvait être à l'origine d'une telle diction, mécanique, désincarnée. Pour moi, cela résultait de manière évidente d'un dysfonctionnement au niveau du langage.
Une autre de mes amis a un fils dyspraxique et une fois encore, dans les descriptions qu'elle me fait de la manière d'être de son fils, je retrouve certains échos à la personnalité de Matthieu.
J'ai cette année en seconde un élève qui cumule une dyslexie, une dysorthographie, une dysgraphie et une dyspraxie ! J'admire beaucoup ses facultés d'adaptation et de compensation !
Il a toujours l'air un peu dans la lune, comme Matthieu. Quand je lui pose une question personnelle, il marque toujours un temps d'arrêt pour répondre (heuheu...), exactement à la manière très particulière -et difficile à décrire !- de Matthieu ("en fait...", "en fait...", "en vérité...")... Et je pourrais continuer la liste des troublantes ressemblances dans la manière d'être des deux garçons.
Toutes ces petites ou grandes ressemblances qui me sautent aux yeux dans les quelques exemples évoqués ci-dessus ne sont peut-être que des coïncidences. Ou peut-être pas...
Les dys peuvent être accompagnés d'une hyperactivité. L'autisme aussi. J'ai déjà eu l'occasion de dire que nous n'aurions jamais pu aider Matthieu à progresser autant s'il était hyperactif comme le sont certains enfants autistes. Nous aurions été épuisés avant de pouvoir entreprendre quoi que ce soit.
En lisant différents témoignages, j'ai pu constater que dans les familles des enfants autistes, il y a avait parfois des épileptiques, souvent des dépressifs... autant de troubles liés à un dysfonctionnement de certaines parties du cerveau. Je connais une famille dont un fils est dyslexique et le cousin germain autiste. Encore une fois, je m'interroge : est-ce une coïncidence ?? (pour le coup, c'est peut-être un peu tiré par les cheveux!!!)
Lors de ma préparation à mon examen du 2 CA-SH, j'ai suivi une formidable formation sur la dyslexie, où l'autisme a très rapidement été évoqué comme gravitant dans la constellation des "dys". Comme j'étais très intéressée par la question, on m'a conseillé de me renseigner sur les travaux du neurologue Michel Habib. Je n'ai pas encore trouvé le temps de le faire et je le regrette d'autant plus qu'il s'intéresse aussi à l'épilepsie. Bref, Michel Habib est la piste la plus sérieuse que j'aie pour le moment à proposer à Marie-France et à ceux qui s'interrogeraient, comme elle et moi, sur la parenté éventuelle entre autisme et dys. Un jour (lointain, j'en ai peur!!), je me replongerai dans la lecture d'articles sur cette fameuse "dysharmonie évolutive" que certains professionnels évoquent quand ils n'osent pas parler d'autisme. Si l'expression a été forgée, c'est peut-être pour souligner l'appartenance de l'autisme à la sphère "dys".
Voilà, je n'ai pas fini de me poser des questions... Au niveau pédagogique, on nous a conseillé de décomposer les consignes, en les numérotant si possible, pour aider les élèves dyslexiques à s'organiser et à accéder au sens des énoncés. Matthieu, comme tous les autistes, a aussi besoin de ce genre de procédé. En général, on pense que cela rassure les autistes. C'est vrai mais c'est aussi un dispositif indispensable sur le plan purement cognitif. Et je pourrais également évoquer les troubles de la perception spatio-temporelle qu'on trouve aussi bien chez les autistes que chez certains "dys". En tant qu'enseignante en histoire-géo, je suis bien placée pour m'en rendre compte.
Je me relis et je me dis que je viens de rédiger un tissu d'âneries fait de mille petites idées dont il ne faut surtout pas tirer de conclusions. Mais en même temps, je me dis qu'un Américain ou un Canadien trouverait sûrement que je prends beaucoup de précautions oratoires alors que j'enfonce des portes ouvertes. Finalement, tout cela a du sens si l'on admet que l'autisme vient d'un dysfonctionnement neurologique, un super "dys", en somme. Ce n'est pas acquis pour tout le monde en France. Cela l'est chez nos voisins anglo-saxons pour qui une personne autiste est tout simplement "neurologiquement atypique".
Voilà où j'en suis. Je peux encore ajouter que mon mari, qui enseigne en collège dans des classes où sont regroupés des élèves dyslexiques, trouve également la parenté entre dys et autisme évidente.
J'espère avoir répondu à la question de Marie-France.