Le CE1 est une classe très fatigante. Mes amies, mamans d'enfants plus âgés, m'avaient prévenue... Et de fait, Matthieu accuse le coup bien davantage que tout autre enfant. Le soir, quand les devoirs sont terminés -Matt les fait avec son papa qui est un remarquable pédagogue-, il est épuisé et certains des traits autistiques patiemment contrés depuis des mois refont surface. Il chougne de nouveau sans cesse pour un oui ou pour un non, par exemple. Dans mon témoignage, je décris l'habitude qu'il avait, petit, de se rencogner sur les paillassons ou les marches d'escalier. Il n'agissait plus ainsi depuis au moins deux ans. C'est donc avec consternation que je l'ai retrouvé, dimanche, blotti sous son lit. Occupée que j'étais à préparer le repas pour les nombreux convives que nous attendions, je n'avais pas fait attention à Matthieu depuis 20 minutes -avant cela j'avais beaucoup joué avec lui car il ne cessait de pleurer- quand je l'ai entendu qui répétait : "Allez, courage, Matthieu, courage !" Il s'exhortait à sortir de sa retraite. J'en ai parlé avec lui; il m'a dit qu'il était bien. J'en ai déduit qu'il s'agissait d'un "repos-repart" et j'ai fait le choix de le laisser (cf. photo). Quand les invités sont arrivés, il était de nouveau sur les rails.
Nous ne pouvons rien contre la fatigue. Cette impuissance m'effraie. Nous ne sommes pas encore en octobre... Où en sera mon Matthieu en hiver, quand il aura un trimestre, 3 rhinopharyngites, une gastro -et je ne parle même pas de la grippe ! - derrière lui ? Je constate quotidiennement cette grande vulnérabilité à la fatigue chez mes élèves atteints de "dys" (j'ai déjà écrit un message sur ma conviction que l'autisme gravite dans la même constellation que les dys). Matthieu se couche tôt et il n'est pas hyperactif si bien qu'il dort normalement mais cette bonne hygiène de vie semble insuffisante.
Une de ses maîtresses trouve ses capacités intellectuelles -en lecture notamment- supérieures à celles de la plupart des autres enfants de sa classe, mais sa deuxième enseignante souligne qu'il décroche de plus en plus souvent. Toutes deux estiment qu'il ne pourrait se passer de Myriam, son AVS.
A la piscine, Matthieu est gêné par ses difficultés persistantes à s'habiller rapidement, entièrement et correctement seul. Les maîtres ont tiré la sonnette d'alarme : les bus ne pouvaient attendre que Matthieu ait mis son pantalon à l'endroit ! J'ai proposé d'écrire un règlement. Matthieu n'a pas voulu. Alors je lui ai répété encore et encore les étapes d'un habillage rapide. Nous les avons chantées avec Agathe sur le fameux air de Bizet si parlant pour Matthieu. Mardi, quand il est descendu du bus, j'ai interrogé l'un des maîtres avec inquiétude. Mais tout c'était bien passé. Matt m'a dit fièrement : "Je te l'avais bien dit, maman, que je n'avais pas besoin d'un règlement pour m'habiller vite !" C'est un formidable progrès ! Il est capable de "s'autoconditionner" sans l'aide d'un support papier. C'est socialement beaucoup plus discret et prometteur ! Toujours ce courage et cette conscience de sa maladie... Et ce malgré la fatigue ! Je l'admire à un point que je ne saurais dire...
Il faudrait que l'institution scolaire s'adapte, en milieu ordinaire, à la fatigabilité des enfants autistes (horaires aménagés, dispense de certains cours ???) J'aimerais vraiment avoir l'occasion de participer, en tant qu'enseignante, à ce genre de réflexion.